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LE CORPS HABITÉ

Didier Mavinga Lake

Docteur en Psychopathologie et psychanalyste 

 

 

 

Chaque formation sociale présente ses particularité ; en Afrique il existe une croyance qui consiste à accuser de sorcellerie un enfant par ses parents, et ceci souvent confirmé par l'Autre social. Un enfant sorcier serait un enfant dont le corps est habité par un esprit maléfique.

Cette situation clinique d'une des mes patientes offre ici une illustration de ce mécanisme.

Il s'agit du cas de "Vida", petite fille dont la mère repère un retard dans le réveil, et considère qu'il s'agit d'une disjonction effective entre l'âme de sa fille quittant son corps la nuit et ayant du mal à revenir au moment du réveil.

Elle diagnostique alors sa fille comme sorcier dont le corps est habité par le diable et l'inculpe d'être la cause de ses propres troubles mélancoliques (diagnostique que je pose en consultation), qui se manifesteraient cliniquement par des cauchemars, des insomnies, et de l'agressivité à l'égard de sa fille, dans un tableau proche de ce que nous avons pu appeler avec Markos Zafiropoulos l'inconscient mélancolique.

De là, la violence de la mère contre sa fille qui fugue et se retrouve placée dans un foyer de l'Aide Sociale à l'Enfance à Paris ; dans une autre capitale africaine, son destin pourrait être celui de l'enfant de rue, celui qui crée l'angoisse dans la famille.

Comment expliquer cette croyance qu'un corps peut être habité, se disjoindre de l'âme qui irait répandre le malheur dans la proche parenté?

C'est toute la question de la pertinence à prêter un animisme aux africains en général ; je propose plutôt de considérer que cette croyance n'existe pas en réalité, et que ce n'est qu'une fausse fenêtre transmise de génération en génération, qui masquerait des véritables structures psychopathologiques: les névroses, psychoses et perversions.

Le mode de pensée projectif, comme la croyance aux esprits est universel dans sa lecture culturelle. Il pourrait être structurel dans sa lecture clinique et renvoyer à des véritables structures psychopathologiques; comme le dit Levi-Strauss, "Entre le névrosé moderne et le soi-disant primitif, il n'y a pas un monde". Il nous faut donc à chaque fois faire le lien entre le singulier de la culture et l'universalité de la subjectivité.

La visée de cette contribution est, à chaque fois, d'effectuer ici le parcours, de la culture à la subjectivité, de manière à entendre la fonction du "symptôme culturel" dans l'organisation subjective.

L'appréhension clinique de ces observations vise à tenter de lever la répétition de ce symptôme en permettant au sujet de choisir des postures plus propres, plus singulières, et, partant, plus actives dans sa propre existence.

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